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L'art de la parole écrite

Articles, interviews, portraits

Claudia Tagbo, une comédienne avant d’être une humoriste !

Publié le 12 Juin 2017 par Maya Meddeb

 

Claudia Tabgo, l’humoriste pétillante à l’énergie contagieuse présente son nouveau spectacle « Lucky » au théâtre de la Gaité-Montparnasse jusqu’au 6 mai 2017. « Lucky », « Chanceuse » c’est ce que se dit Claudia Tagbo à l’idée de retrouver son public pour son deuxième spectacle. Plus intimiste que le précédent, Claudia Tagbo emporte le public dans son monde de folies, d’humour, de réflexions et de show. Alliant musique, danse, poèmes à son humour tonitruant, son nouveau spectacle est à l’image de sa personnalité. Derrière un spectacle explosif sous la forme d’un show à l’américaine, Claudia Tagbo se révolte contre les clichés ambiants. Comédienne avant tout, qui a fait des études en Arts du Spectacle, option Théâtre à Paris VIII, et joué dans plusieurs pièces de théâtre classiques et contemporaines, Claudia Tagbo regrette que les portes du quatrième et du septième art lui soient autant fermées pour un vrai rôle de composition. Comme si faire de l’humour annihilait la capacité d’incarner un rôle dramatique. Avant de s’envoler à Abidjan, sa ville natale, pour la nouvelle saison en tant que membre du jury de « l’Afrique a un incroyable talent », Claudia Tagbo se confie.

Vous jouez votre nouveau spectacle « Lucky » au Théâtre de la gaité- Montparnasse. En quoi est-il différent de votre premier et précédent spectacle « Crazy » ?

Il est différent dans ma manière d’aborder la scène: « Lucky » est moins « Entertainment », il y a moins le côté show américain que dans le précédent. Il est aussi plus intimiste, les gens découvrent une part de moi plus féminine et sensuelle.

Votre spectacle débute par des poèmes de Léopold Senghor et se termine par une communion avec le public scandant à l’unisson « j’ai de la chance ». Au delà du rire, c’est un message universel que vous souhaitez transmettre à travers Lucky ?

J’ai de la chance de faire ce métier et j’essaie à chaque fois de transmettre mon côté « feel good ». J’ai grandi avec les poèmes de Léopold Senghor mais j’aurais pu commencer mon spectacle avec des textes d’Aimé Césaire ou de Sartre. C’était une manière de dire qu’un humoriste peut s’éclater une tomate sur la tête mais aussi avoir un bagage culturel. Au delà du poème, c’est une rencontre entre le public et moi.

Combien de temps avez-vous mis pour créer « Lucky » ?

La dernière fois que j’ai joué « Crazy » c’était le 1er février 2015. Ca faisait cinq ans que je jouais ce spectacle. Il a donc fallu digérer tout ça. J’ai aussi voulu m’impliquer davantage dans l’écriture du nouveau spectacle. J’ai mis un an pour l’écrire avec mon co-auteur.

Dans ce spectacle, la danse, l’humour et la musique se mêlent à votre personnalité explosive, d’où vous vient ce sens unique du show ? Où avez-vous appris à danser comme ça ?

Je ne sais pas danser, je sais mouvoir mon corps au rythme de la musique. Elle rit. Je n’ai jamais pris de cours de danse. Pour ce spectacle, j’ai fait venir un danseur qui m’a fait les chorégraphies du début. Mon père me disait toujours « tu n’es pas bien, danse, ça fait transpirer ! ».

TF1 vous a d’ailleurs proposé de participer à Danse avec les stars, pourquoi avez-vous refusé ?

J’ai refusé car je ne suis pas une fille de chorégraphie. Mon partenaire de danse aurait eu des difficultés avec moi car je ne sais pas retenir une seule chorégraphie. Je danse en free-style. Et puis, c’est un vrai challenge, je ne suis pas danseuse, je ne pense pas que ça soit ma place. Par contre, si on me propose de me porter comme Patrick Swayze dans Dirty Dancing, je réfléchirai. Elle rit.

Votre père est souvent cité dans votre spectacle notamment lors de votre sketch sur les bobos, c’est le « Bobo Premier » ?

Beaucoup de choses sont dites sur les bobos. Dernièrement encore, j’entendais certains politiques dire que les bobos sont des biens penseurs qui au delà de Paris ne connaissent rien de la France. Si on réfléchit bien, les bobos c’est avant tout une façon de vivre, un état d’esprit. Au fin fond de la Lozère, le fait de se refiler les pulls over entre frères et sœurs, de ne gaspiller pas d’eau, d’acheter ses pommes de terre chez son voisin qui les cultive lui-même, c’est une démarche de bobo. Quand j’étais avec ma famille en Lozère ou à Alès, nous faisions nos propres yaourts. On prenait des pots de yaourt, on les lavait et on avait une machine qui permettait de fermenter. Quand le yaourt était fini, on y mettait des bâtonnets et après un jour dans le congélateur, ça devenait des glaces. Ma sœur et moi avons une machine à pain. Ma sœur a deux enfants qui sont allergiques au blé, elle fait du pain à base de farine d’épeautre.

Pendant une heure trente, vous abordez différents sujets comme les bobos, l’hygiène et les célibattantes. Est-ce un spectacle autobiographique ? Vous êtes une maniaque de la propreté dans la vie ?

Le spectacle est inspiré de moi. Ceux qui me connaissent, ils savent que je suis une « control freak », j’ai une phobie des bactéries. Au restaurant, je fais attention où je pose mon verre, j’essuie mon assiette avant de manger, j’ai toujours un gel antibactérien sur moi. Je saoule mes amis mais heureusement j’ai une copine, qui est comme moi. Si quelqu’un a le malheur de rentrer dans sa salle de bain avec ses chaussures, il va tout de suite le regretter. Elle rit. Dans le métro, je préfère vingt fois tombée sur quelqu’un que de tenir la barre. Je n’utilise jamais le sèche-mains aux toilettes car c’est un circuit fermé, les microbes reviennent sur les mains. Je ne rentre jamais seule dans un ascenseur, mon record est de 21 étages. Je n’aime pas être enfermée seule. Il suffit que je monte avec un enfant de cinq ans et je me dirai « allez c’est toi l’adulte, montre l’exemple ». Elle rit.

Etes-vous une célibattante, une femme indépendante, forte mais…seule ?

Oui et il y a beaucoup de femmes célibattantes. Ca ne signifie pas seulement être célibataire. Une célibattante c’est une femme qui a surmonté ses blessures, qui est restée ouverte et qui ne refuse jamais un combat. Ce que j’ai pu constater autour de moi, hommes comme femmes, c’est qu’après des déceptions amoureuses, on a souvent le réflexe de se servir du prochain comme éponge. On est dans un carcan, sur un ring où on se persuade que l’autre ne nous fera plus jamais subir la même chose.

Quelle est la différence avec la « célibâtarde » ?

Le célibâtard nourrit une haine, une jalousie vis-à-vis de l’autre. La célibatarde c’est celle qui est dans l’aigreur, la méchanceté « ah mais je ne comprends pas comment elle peut être avec lui, elle est tellement moche ». Du coup, ceux qui sont dans cet état d’esprit, ratent énormément de belles rencontres.

Dans la salle, il y avait Michel Boujenah, à qui vous avez adressé un message émouvant à la fin du spectacle. C’est une rencontre qui a compté dans votre parcours ?

Oui, c’est une très belle rencontre avec Michel. Il était venu me voir à l’époque du Jamel Comedy Club, il a tout de suite manifesté une belle affection pour moi. Il m’avait invitée à son canapé rouge dans l’émission de Michel Drucker. Il est le directeur artistique du Festival de Ramatuelle et m’avait demandé de venir y jouer quelques sketches. Michel Boujenah a toujours été là pour moi. Après mon premier spectacle, j’ai ressenti un grand vide, il m’a conseillé de prendre du temps avant de remonter sur scène. Les humoristes ont tendance, pour éviter de ressentir ce vide, à enchaîner directement avec un autre spectacle, du coup c’est moins surprenant. Après « Crazy », Michel m’avait dit « je ne veux pas te voir sur scène avant 2017 ». C’est Michel Boujenah qui m’a présenté à Arthur et à Anne Roumanoff. Avec Anne, on a joué notre sketch sur les cours de drague dans Rire ensemble contre le Racisme, et dans son spectacle « Carte blanche à Anne Roumanoff » à l’Olympia.

Vous êtes l’invitée la plus régulière de l’émission « Vendredi tout est permis », présentée par Arthur, qui va bientôt fêter sa centième émission. Un mot sur votre relation avec Arthur ?

Ca fait cinq ans que je connais Arthur. C’est quelqu’un d’affectif même s’il ne veut pas le montrer. Il est très touchant, on dirait un petit garçon. Il est venu à la lecture de mon spectacle, il m’a donné énormément de conseils, il y a une vanne dans le spectacle qui vient de lui.

Vous rappelez-vous de votre première scène ?

Ma toute première scène c’était en Côte d’Ivoire. J’avais neuf ans. On avait fait un spectacle de fin d’année à l’hôtel Ivoire et il y avait dans la salle, Monsieur Alpha Blondy. Il était venu nous serrer la main à la fin du spectacle.

Quelles sont les principales difficultés dans votre métier ?

Les difficultés sont les mêmes que pour tous les autres métiers : la reconnaissance de ses pairs, d’être heureux dans ce qu’on fait et surtout d’y croire. A la minute où j’arrive sur cette scène, je sais que tout est disséqué : ma tenue, ma coiffure, mon physique. On est nu sur scène et on doit accepter la critique, ça fait partie du métier.

Si vous n’aviez pas été humoriste, qu’auriez-vous aimé faire ?

J’aurais été chirurgien pour les enfants. Je suis une grande fan des enfants. Ils ont une spontanéité et une sincérité dans leur façon d’être. Après, j’aurais sûrement raté toutes mes opérations car je suis une flippette des aiguilles. Elle rit.

Vous êtes une humoriste connue et reconnue. Comment vivez-vous la notoriété ?

Je vis très bien la notoriété tant que ma bouche est fermée car les gens me reconnaissent à ma voix. Je prends le métro tous les jours, on ne m’arrête jamais dans la rue, je ressemble à toutes les femmes noires de France. Par contre dès que je parle, on reconnaît ma voix et on me demande si je suis Claudia Tagbo. Et puis, je pense que c’est une question d’attitude : si demain je veux qu’on me reconnaisse dans la rue, je ferai tout pour : j’adopterai une attitude de « Pin Up », je parlerai fort pour attirer le regard…mais ça ne m’intéresse pas.

D’où vous vient cette envie de faire rire les gens ?

Au départ, je ne voulais pas spécialement faire rire les gens. J’ai fait des études de théâtre. Tonjé Bakang Tonjé, fondateur du Comic Street show, l’ancêtre du Jamel Comedy Club, m’avait demandé de venir coacher les humoristes. Beaucoup d’humoristes ne savent pas ce que signifient le « côté jardin » et le « côté cour » du théâtre. J’avais aussi beaucoup coaché le Comte de Bouderbala pour qu’il apprenne à mieux utiliser son corps sur scène. Un jour, Tonjé a voulu que j’aille sur scène car il manquait de femmes dans sa troupe. Je jouais à l’époque « Fatou, la Malienne » au cinéma, et l’humoriste Diouc Koma, m’a aussi beaucoup encouragée à monter sur scène. Un jour, nous avons joué au Réservoir et il y avait Kader Aoun dans la salle, qui à l’époque était l’auteur de sketchs au Jamel Comedy Club. C’est suite à cette rencontre que j’ai intégrée la troupe du Jamel Comedy Club.

Vous êtes « Lucky », née sous une bonne étoile ?

Oui. Pour percer dans ce métier, il y a au départ 20% de travail et 80% d’opportunités. Par contre, une fois que la porte est ouverte, ces proportions s’inversent rapidement : le travail devient le moteur et les opportunités se font de plus en plus rares car les professionnels vous cataloguent dans des cases. Pour certains, sous prétexte que je suis humoriste, je ne sais plus lire un texte de théâtre et je suis incapable de jouer un rôle dramatique.

Vous êtes aussi comédienne où vous avez joué dernièrement dans la Série presque parfaite, diffusée sur HD1.

A quand un rôle sur-mesure au cinéma ?

Il faut poser cette question aux réalisateurs et producteurs. En tout cas, moi je suis prête. Elle rit. J’ai joué dans beaucoup de films et même si c’était des apparitions, je préfère être dans un beau film que d’avoir un premier rôle dans un bide cinématographique.

Petite, étiez-vous un boute-en-train ?

J'ai toujours fait des spectacles pour ma famille qui, attention, était obligée de m’applaudir à la fin. J’adorais camper plusieurs personnages et dès qu’on m’a offert une scène, c’était comme une récréation pour moi. Même si je suis grande maintenant et que je dois être à la hauteur du public, j’aime éperdument ce que je fais.

En tant qu’ambassadrice de l’équipe de France de handball, vous deviez être particulièrement heureuse de la victoire au mondial ?

J’étais très heureuse, ça donne une très belle image de la France. Les joueurs sont allés chercher cette victoire. Les soirs où je ne jouais pas mon spectacle, je suis allée les encourager, à Nantes et à Lille par exemple. Même si physiquement je n’étais pas présente, J’étais derrière eux en postant des choses sur les réseaux sociaux. Certains joueurs (Luc Abalo, Xavier Barachet etc) sont venus me voir sur scène.

Quels sports avez-vous pratiqué ?

Je faisais de l’athlétisme et du lancer de poids. J’ai fait du 60 m et du 100 m, mais j’ai dû arrêter après un gros claquage mal soigné. Je me suis mis au lancer de poids car personne ne pratiquait ce sport et aussi pour partir les weekends en compétition.

Vous faites partie du jury de l’émission « L’Afrique a un incroyable talent » qui est tournée à Abidjan, dans votre ville natale. Comment avez-vous été accueillie ?

J’ai été accueillie la plus discrètement possible, je n’avais prévenu personne, même le chauffeur à l’aéroport ne m’avait pas reconnu. Au mois de mai, je retourne en Côte d’Ivoire pour tourner la deuxième saison de l’émission.

Quel est votre rapport à la Côte d’Ivoire ?

Il est présent tous les jours. Je suis née en Côte d’Ivoire la culture ivoirienne est ancrée en moi. Je mange africain, ivoirien et je parle les dialectes.

Aimeriez-vous tenter une aventure d’humoriste aux Etats-Unis ?

Si l’opportunité arrive, il ne faut pas refuser. Après, je ne suis pas bilingue, il faudra donc beaucoup de travail avant de pouvoir me produire en anglais sur une scène.

Comme beaucoup d’humoristes, vous avez plusieurs cordes à votre arc : la comédie, la danse, le chant et l’imitation. Le stand up permet de tout faire ?

Le stand up c’est vraiment un lieu où tu peux te lâcher, montrer tout ce que tu sais faire. C’est une vraie carte de visite. Gad Elmaleh est un humoriste, un comédien, il sait danser et chanter. L’humoriste ne doit pas être cantonné au seul rôle de devoir faire rire.

Il y a de plus en plus d’artistes engagés qui n’hésitent pas à prendre la parole pour dénoncer des injustices comme dernièrement au césar où Alice Diop a dédié son prix aux victimes des violences policières ou Imany qui a transmis un message fort pour Théo aux Victoires de la Musique. Est-ce que l’artiste doit rester dans son rôle ou prendre des positions citoyennes selon vous ?

Avant d’être artiste, on est humain et chacun a sa manière de traduire sa colère. Personnellement, je l’exprime entre quatre murs, chez moi où je casse ma vaisselle. Imany ou Alice Diop ont profité d’un moment fort, d’une cérémonie vue par des millions de gens pour transmettre leur message. Après ce ne sont pas des militantes qui défilent dans la rue avec des pancartes. A travers mon spectacle, je transmets aussi des messages mais c’est de manière humoristique car je n’aime pas transpirer.

Y aura t-il des dates supplémentaires de votre spectacle ? Allez-vous jouer « Lucky » en côte d’ivoire ?

Je joue « Lucky » jusqu’au 6 mai à Paris, et ensuite je ferai une tournée à partir de fin septembre. Je jouerai le spectacle jusqu’en 2019. Pour l’instant, ce n’est pas prévu que je joue en Côte d’Ivoire.

Vous avez un projet dans la mode, pouvez-vous nous en parler ?

J’ai toujours aimé la mode, ce n’est pas uniquement réservé aux femmes spaghettis. J’aimerais lancer une capsule mode, où je dessinerai quelques pièces pour une marque. Pour l’instant, je suis en discussion avec plusieurs marques.

 

 

 

 

Claudia Tagbo, une comédienne avant d’être une humoriste !
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